Le 36 mars

Ou

Les Enfants de la Révolution


Personnages

  • Grégoire
  • May
  • Momo
  • Louan
  • Lilly

  • L’Homme Politique
  • Une meuf
  • Dieu

  • La Syndicaliste
  • Policier 1
  • Policier 2

  • La jeunesse

Premier Tableau - Mars

Assemblée Générale

Silence. Plateau nu. C’est le commencement. La jeunesse est installée dans la salle. Les boissons en canettes sont autorisées, ainsi que les téléphones portables allumés. Il pourrait y avoir une fille avachie sur l’épaule de sa voisine. Il pourrait y avoir un gars qui écoute de la musique sur son téléphone ou qui regarde des vidéos. Il pourrait y avoir un garçon qui prends des notes. Il pourrait y avoir un groupe de militants qui discutent. Il pourrait y avoir un garçon, ou une fille, qui se masque le visage et qui est assis en retrait avec un grand sac sur les genoux.

Il pourrait y avoir une première personne qui descendrait parler.


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Un téléphone sonne.


May (depuis le public) - Pardon c'était moi.


Sur un téléphone, surgit la voix de L'Homme Politique:


L'Homme Politique - Cette jeunesse qui se rassemble déjà sur les places des villes et qui cherchent toutes les occasions de déroger à leurs obligations, ce n'est pas à eux que je m'adresse. Ceux à qui je m'adresse, ce sont les mères célibataires, les travailleurs et travailleuses de milieu précaires qui doivent se battre chaque jour pour pouvoir terminer leurs études et qui savent ce que signifie le mot "travail". Je ne veux pas jouer le jeu de m'intéresser à cette bande d'agitateurs publics qui envahissent nos rues tous les jeudi soirs. Je sais ce que c'est, d'être étudiant, et la plus grande majorité d'entre eux ne réclament rien et ne demandent qu'à rendre leurs devoirs en temps et en heure, malgré toutes les difficultés matérielles qu'ils peuvent traverser. Le véritable sujet que nous devons aborder est celui de notre vivre ensemble.


Grégoire (mal assuré, avec plusieurs silences) - Bonjour tout le monde! Bienvenus! Alors, c'est notre première Assemblée Générale. Levez la main si c'est la première fois pour vous? (Temps) Ahah. Alors, j'ai écrit un petit texte mais ce serait sûrement trop... Impersonnel, non? Surtout qu'on se connaît déjà! Je veux dire, toi, là, on se connaît, non? Alors, l'Assemblée générale, vous levez la main si vous voulez prendre la parole, et je vais noter les tours et on va pouvoir parler du, de, de notre mouvement. Alors... (regarde finalement ses notes) "Suites aux annonces du ministre de l'enseignement suppérieur prévoyant de couper l'entièreté des subventions allouées à l'université publique, nous, étudiants, lycéens, décidons de mettre fin à nos activités au profit du blocage. Nous ne reculerons devant rien pour obtenir l'abrogation totale de ce projet qui menace directement notre avenir et celui de tout le pays...


Grégoire - Ah, oui. Je reprends. "Les attaques faites aux sciences humaines et sociales, à travers les différentes prises de paroles du gouvernement sur le sujet, s'inscrivent dans une montée globale du fascisme qui n'a pour but que de faire disparaître notre histoire et l'ensemble des avancées intellectuelles et sociales obtenues depuis mai 68. Cette attaque faite à la jeunesse et aux classes prolétaires ne peut que nous faire envisager le pire..." (visiblement agacé, jette ses notes) - C'est pour nos petits frères et soeurs que nous devons nous battre, pour les jeunes générations qui se verront privée de cet outil de, d'émancipation sociale que nous devons LUTTER, nous ORGANISER, concrètement, et c'est pour ça que... (exalté) Il faut nous rassembler, être capable de débattre ENSEMBLE, nous faire entendre bien au-delà de cette place, lycéens, étudiants, travailleurs et chômeurs, c'est notre avenir à TOUS qui est engagé. Le service PUBLIC, la mixité sociale, VOILA ce qui a fait la grandeur de la FRANCE. Et qui sont finalement ces "agitateurs publics" si ce n'est EUX, avec leur grand jeu médiatique, la grande MANIPULATION DES MASSES qu'ils nous font avaler sans qu'on ne dise rien!


La personne qui avait lancé la vidéo de l'Homme Politique coupe son téléphone.
Silence.


Grégoire - Ce que je vous propose, c'est qu'on occupe cette place
et qu'à 20h, tous les jours, nous fassions une nouvelle AG pour nous organiser.
Il y a un appel national à manifester demain, à 16h.
Nous devons nous mettre d'accord sur la ligne de notre mouvement,
sur un ensemble de revendications QUE NOUS POURRIONS OBTENIR et il faut que nous soyons ambitieux.
Ce n'est pas seulement de l'université qu'il s'agit mais de la société TOUTE ENTIERE,
pas seulement de ce mouvement mais de TOUS CEUX QUI POURRAIENT ADVENIR et du monde dans lequel
nous voudrions véritablement VIVRE.
Je vous remercie.


Il va pour retourner à sa place, fais marche arrière et reprends le micro.


Grégoire - N'hésitez pas à descendre à la tribune pour prendre la parole.


Grégoire se rassoit, non loin de la tribune, avec un cahier pour prendre en note les tours de paroles.


Silence. Bruit d’activité dans la salle (téléphone, coupage d’ongles, mouvements etc).


Momo (descends prendre la parole) - Bonjour je me demandais si je pouvais filmer.


Plusieurs signes d'approbation dans le public, les gens agitent les mains.


Lilly (depuis le public) - C'est pour quoi faire?


Momo - Je m'intéresse à la question du mouvement collectif des corps dans un mouvement social militant.


Lilly - Non parce que moi ça me dérange pas mais faudrait pas que les recherches en mode universitaire et tout ça prenne trop de place.


Momo ne réagit pas à sa remarque et sort de scène.


May (descends prendre la parole) - Bonjour! Pardon excusez-moi c'est la première fois pour moi. Merci beaucoup euh, Grégoire, déjà de nous avoir rassemblés, c'est pas facile, on le sait, de trouver le temps mais euh, moi je suis contente d'être là oui, c'est chouette, de nous voir tous rassemblés. Alors euh tu disais oui, pour nos revendications, moi je pense enfin on est beaucoup ici à être de Brassens, et euh oui enfin on connaît les soucis qu'on a là-bas mais c'est pas l'objectif je crois. Enfin on est pas là pour nous plaindre euh. Et bonjour à tous ceux qu'on ne se connaît pas, aussi! Pardon.


 

Grégoire - Ne t'excuses pas c'est bon.


 

May - Oui, pardon. Ce que je voulais dire c'est pour les revendications il y en a déjà dans l'appel national on le sait enfin les coupes du budget pour l'éducation et l'enseignement supérieur, je ne sais pas si on a vraiment besoin d'en mettres d'autres en vérité c'est peut-être déjà bien de se concentrer là-dessus... Mais après, si vraiment moi on me demande, je dirais que... Pardon j'ai pas l'habitude, ce que je veux dire, oui, pardon, c'est que si on regarde un peu en dehors moi je crois c'est le logement qui m'inquiète, il y a de plus en plus de gens dans les rues et...


 

Louan (à quelqu'un dans le public) - Excuse moi t'aurais pas une clope?


 

Il va chercher une clope jusqu'à ce que quelqu'un lui en donne une.


 

May - Et... Et... En fait oui c'est vrai il y aurait beaucoup de choses à dire et beaucoup de choses à faire mais je n'aimerais pas prendre la parole pour des choses qui ne me concernent pas et je ne sais pas... Peut-être que se concentrer sur ce qui nous concerne, oui, le lycée et l'université, ce serait déjà bien et... Et ça me semble déjà bien ce qu'on fait là et ça me semble difficile d'envisager d'en faire beaucoup plus, les terminales l'année dernière avaient essayés de bloquer le lycée je crois et ça avait plutôt mal fini...


 

Louan - Ah merci tu gères.


 

May - C'est que au fond je ne voudrais pas que ça puisse affecter les relations qu'on a avec les profs et les pions et la direction et... Il y a déjà des élèves pour qui c'est compliqué de s'en sortir avec les notes et tout le reste et je pense qu'on devrait être solidaires de ça.


 

Grégoire - Alors, May, excuse moi, mais il faudrait avancer un peu, on a pas besoin de se référer aux actions des classes précédentes, la question c'est qu'est-ce qu'on voudrait mettre dans notre liste de revendications pour la manifestation de demain.


 

May - Oui je comprends mais ça me semblait important aussi de prendre en compte les impressions de tout le monde pour qu'on ne mette pas des gens en difficultés...


 

Grégoire - Ça on pourra en parler plus tard, on a encore rien prévu. Pour le moment, on a toujours pas commencé à débattre sur nos revendications.


 

Louan roule sa clope (si c'est une roulée).


 

May (dans une parole un peu précipitée) - Pardon! Oui! Tu as raison, je ne voulais pas... Je suis désolée si j'ai... Non, pardon, c'est moi, j'ai cru que... C'est que je voulais juste être sûre, justement, pour que toutes les revendications puissent être entendus, que d'abord la sécurité de chacun puisse être... Mais tu as raison c'est ma faute. Je, je vais laisser la parole, il faut que tout le monde puisse parler et je nous ais fait perdre assez de temps comme ça.


 

May va pour retourner à sa place, elle a honte, ne sait plus trop où s'assoir, changera plusieurs fois de sièges en s'excusant.


 

Grégoire (pendant qu'elle cherche à se rasseoir, hors micro) - May, attends, c'est bon, oui c'est une bonne idée on peut discuter de ces choses là. (il regarde le public et se remet au micro) Oui, alors, ça prends un peu de temps à démarrer c'est normal. Tout va bien. (temps) Il faut se poser ces questions là, bien sûr. C'est normal. On a tous nos problèmes. Mais on est qu'au début du mouvement là chaque chose en son temps, personne ne risque d'exclusions ou autre. Tout ce que nous avons à faire c'est décider des revendications que nous porterons à la manifestation de demain, et si possible, un nom pour notre rassemblement, pour nous distinguer du reste des mobilisations nationales. N'hésitez pas à / prendre la parole.


 

Louan (en coupant Grégoire, depuis le public) - Mais POURQUOI est-ce qu'on aurait besoin de se séparer du reste de la mobilisation?


 

Grégoire - Je n'ai pas dit qu'on devrait se / séparer du reste de la mobilisation je disais que...


 

Louan - Et elle a raison on vient tous du même lycée ou presque on devrait commencer par ça! De base toi t'es tout seul là tu peux pas / la laisser parler un peu?


 

Grégoire - Alors déjà calmes-toi et viens parler au micro / je l'ai pas empêchée de parler elle s'est empêchée toute seule et...


 

Louan - Mais c'est toi qui a envie de faire le show moi je m'en fous.


 

Grégoire - Et je suis loin d'être tout seul tu le vois bien / il y a un appel national on est tous venus ici pour la même chose à ce que je sache.


 

Louan - Non là je te jure t'es tout seul t'as commencé le truc avec ton grand discours et / tes histoires de revendications on t'as rien demandé.


 

Grégoire - Si tu me laissais FINIR déjà on pourrait essayer d'avancer.


 

May retourne précipitamment au micro.


 

May - Pardon! Je suis désolée je vois bien que je n'aurais pas dû prendre la parole j'ai parlée pour ne rien dire excusez-moi / ne vous disputez pas.


 

Lilly (depuis le public) - C'est bon? On peut avancer maintenant?


 

Grégoire (reprends le micro à May) - Je ne fais que ça!


 

Lilly - Ah ouais, en empêchant les autres de parler. On perds du temps là!


 

Momo, discrètement, commence à filmer ce qu'il se passe.


 

Grégoire - Mais je n'ai PAS / EMPECHÉ QUI QUE CE soit de...


 

Louan se met à rire.


 

Grégoire - Tu trouves ça drôle?


 

Il continue de rire.


 

Grégoire (hors micro) - Alors là franchement j'abandonne.


 

Louan - Mais nan continue!


 

Silence. Légers rires dans le public.


 

Louan (joyeux) - Non mais là pardon c'est trop. Qu'est-ce qu'on fout, là? C'est génial, on s'est tous démerdés pour venir ici là et y a rien qui va. Bordel! Je croyais on était là pour parler révolution ou quoi là qu'on puisse se parler et voir des trucs un peu concret à faire et on est tous là à l'écouter lui là... Moi j'ai pas votre temps! Il est quelle heure là, XXh? Moi j'ai rien bouffé les supermarchés ils vont fermer je vais aller galérer à trouver un truc dans une supérette franchement moi je pensais on se parlerait déjà on partirait de ça du concret, toi et toi et toi si ils font sauter l'université tu fais quoi là après ton bac, ça change quoi pour toi? (temps, s'adresse à quelqu'un de proche dans le public) t'as mangé toi?


 

Lilly - Mais va prendre la parole au micro si tu veux que ça avance. Si c'est ça qui t'emmerde je te le paye ton sandwich.


 

Louan (toujours depuis le public) - Mais non c'est bon.


 

Silence.


 

May (hors micro) - Je veux bien participer, pour les sandwich.


 

Lilly - Eh bah voilà on avance.


 

Grégoire - Mais pas du tout.


 

May - Si! C'est ça que je voulais dire. C'est là qu'on avance. C'est toi qui as dis que ça prenait du temps et que c'est normal, non? Il faut bien que les gens mangent!


 

Grégoire - Mais c'est pas...


 

Louan (saute sur la scène, va directement au micro) - Voilà! Ce que je voulais dire, alors. Bonjour tout le monde (il fait une petite danse) moi je sais pas la manif et tout demain je suis pas sûr de pouvoir être là moi j'ai trop de trucs à gérer je vous passes les détails mais c'est ça qui est chiant on a pas le temps c'est déjà super qu'on soit là tous. Ce que je voulais dire c'est que genre, ça fait longtemps que c'est la merde, moi je sais pas vous mais les réformes du chômages les réformes des retraites et la putain de loi travail là enfin on le sait ça on suit les mêmes comptes instagram et la vérité ça sert à rien ce qu'on fait là, on va pas changer le monde je veux dire, faudrait être complètement con pour se dire c'est bon ça y est on est dans les rues avec un putain de micro et on va changer les choses. Et puis en même temps je sais pas merde fallait bien faire un truc moi j'ai de l'énergie ma daronne les autres là qui travaillent ils peuvent pas faire ça on peut pas se résigner se dire que c'est bon ils ont gagnés on accepte. Moi honnêtement je voulais juste voilà je sais pas qu'on se parle qu'on essaie de voir c'est quoi le réel c'est quoi dans tout ça qui nous impacte directement qu'est-ce qu'on peut faire pour essayer de sauver les meubles pour se faire entendre. Y a un truc genre, qui se passe dans les autres villes et dans les autres pays les gens ils manifestent ils braquent des banques ils foutent le bordel et je crois que j'aurais bien besoin de ça moi maintenant c'est pour ça que je suis venu.


 

Tout en faisant des mimiques et des blagues pour se rassurer, il retourne s'assoir dans le public, plus proche de la scène cette fois-ci.


 

May (reprends le micro) - Je serais à la manif de demain! Je suis en étude aménagée moi alors c'est possible, pour moi. Je l'ai dis je ne connais pas trop tout ça, j'ai jamais fait encore, mais j'ai envie de m'activer, pour les éducs. Je sais pas du tout si je ferais la fac à vrai dire les études c'est pas vraiment mon truc (rire gênée) et je suis pas en cours avec vous je suis au centre médical qui est affilié au lycée, c'est pour ça on ne se connaît pas vraiment mais... Je suis contente. Là bas les éducs ils ont essayés de faire grève plusieurs fois, ils sont payés rien du tout par rapport à leur travail et ils se trouvent même mutés dans d'autres villes des fois... Je sais ils peuvent pas faire grève là-bas parce qu'ils s'occupent de nous alors moi j'aimerais faire grève pour eux. Voilà! (silence) Quelqu'un d'autre veut prendre la parole?


 

Grégoire (hors micro) - Non mais vraiment ça n'a pas / grand chose à voir.


 

Louan (depuis le public) - Mais laisses les autres parler!


 

Grégoire se tait, hésite et retourne finalement au micro.


 

Grégoire - Écoutez, à vrai dire, moi non plus je ne connais pas vraiment tout ça. Pour moi aussi, c'est la première fois. Et je n'ai pas fait grand chose. Je me disais juste qu'il fallait qu'on lance quelque chose, et qu'il fallait proposer un cadre. Ça ne m'intéresse pas, de faire la manif, juste comme ça, sans rien proposer. Il fallait faire quelque chose. Nous n'obtiendrons sûrement pas grand chose de cette mobilisation. (silence) C'est même certain. (silence) Mais j'étais obligé de le faire. Parce que je ne veux pas être celui qui regarde les choses se faire. (sourire) (temps) (à Louan) Et maintenant que c'est dit on peut peut-être commencer à débattre de nos revendications?


 

Léger rire de la part de May, Louan et le reste de la salle.


May (hors micro) - On peut peut-être commencer par pourquoi nous sommes ici? Et les revendications viendront plus tard?


Grégoire (surpris, quitte le micro) - Ah, oui, bien sûr.


Ici, la jeunesse pourrait librement venir prendre la parole au plateau. Il faudrait tenter de limiter ces prises de paroles spontanées dans leur durée. May ou Grégoire animent et prennent des notes sur le côté. Louan fume des clopes et discute avec les spectateurs. Il faudrait que le public puisse réagir librement à ces prises de paroles.


Une meuf - Et le directeur de la fac, et le prof, hein, vous savez très bien de qui on parle, eux ils restent, ça pose de problème à personne! On a d'un côté des étudiantes qui ont rien demandés, qui veulent juste qu'on leur foute la paix et EUX! EUX! Avec leurs paroles là, leurs engagements bidons et toutes les promesses, hein, pour le handicap, pour l'inclusivité, mais c'est quoi cette BLAGUE? C'est ÇA l'université où vous avez envie d'aller? C'est ÇA que vous avez envie de défendre? Et vous l'aurez votre licence, votre licence en pétage de couilles inutiles. ISSOU! (elle lève le poing et quitte la scène)


La salle est plutôt animée et joyeuse, le silence n'est plus de mise. Lilly vient pour prendre la parole.


Lilly - Lilly, je suis en STI2D au lycée Mendes France. Ça faisait longtemps que je voulais rejoindre une union, j'ai essayée l'UCL mais ils ont supprimés la section d'ici, y avait pas assez de membres, et la cohorte lycéenne je pensais que c'était vous mais j'imagine c'était surtout l'année dernière. Bref.


Silence, elle cherche ses mots, les autres sont attentifs.


Lilly - J'arrive pas à imaginer comment on en est arrivés là. Je viens d'un environnement plutôt à gauche et je croyais que le service public avait encore une longue vie avant de se casser la gueule. Parce qu'ils se sont battus pour ça. Nos parents. Nos profs. A l'hopital et à la poste. Nous ne sommes pas... Nous n'avons pas, les ressources, l'histoire et la force de ces mouvements là. On est combien ici, 200? 300?


Momo commence à filmer. En fond de plateau, une vidéo commence à se lancer, de Lilly et des autres dans une véritable assemblée générale, un moment d’écoute et de témoignage.


Lilly - Ce que je me dis c'est que nous devons inventer de nouveaux codes, de nouvelles manières de nous organiser. Plus personne ne se syndique aujourd'hui et il n'y a plus aucune confiance dans les partis politiques. La course du néo-libéralisme nous as isolés, nous as rendus collectivement incapable de nous rassembler. Incrédules. Comment est-ce qu'on pourrait demander à quelqu'un qui bosse 12 heures par jour de seulement s'intéresser à ses droits? Quand on galère déjà à se nourrir, à élever nos gosses. Et où est-ce qu'on peut aller la chercher, cette force collective, si les droits au chômage s'amenuisent et que tout notre temps est pris à garder ou à chercher du travail?


Elle laisse sa parole en suspens. Respire.


Lilly - On n'a même plus la créativité de ça. On arrive plus à imaginer quoi que ce soit. Les actions que j'ai vu, et qui fonctionnent, ce sont dans les petites communautés, les squats, les ZAD, les lieux associatifs qui se passent le plus de choses. Parce que les gens se connaissent. Parce que leur travail répond directement à leur propres besoins. On est obligés d'en passer par là.


Lilly s'arrête et observe le public. Est-ce qu'on l'écoute? Elle respire.


Lilly - Mon idée, c'est qu'il faut d'abord qu'on ait un lieu fixe. Pour nous organiser. Pour que les gens nous suivent. Qu'ils sachent où aller. Il faut que nous essayions de faire communauté ici. On a pas besoin de noms ou de revendications. Nous sommes collégiens, lycéens, étudiants. Nous avons la possibilité de nous engager. Pour l'instant. Nous avons ce droit là. D'occuper nos universités et nos places, de bloquer nos lycées et d'enjoindre tous nos camarades à rejoindre la lutte. Ne serait-ce que pour voir! Qu'est-ce qu'il y aurait à perdre, à part une petite journée de cours? Et ici, on pourrait tenir nos assemblées, des groupes de paroles, des groupes d'actions, des projections, des conférences, avoir une bibliothèque, une cuisine! Il suffit de ramener ce qu'on peut! Et les syndicats pourront nous aider à imprimer des tracts et des affiches. Ce n'est pas impossible!


Lilly est désormais en gros plan sur l'écran.


Lilly - C'est dans le collectif que nous trouverons nos solutions. Nous ne pouvons pas savoir à l'avance. Nous ne pouvons pas laisser l'extrême-droite dicter notre agenda. Nous ne pouvons pas nous contenter de réagir. Nous devons essayer de créer. Imaginer des alternatives. Créer nos propres réseaux. Nous renseigner, partager le savoir, et apporter notre soutien aux communautés les plus minorisées. Que personne ne puisse être laissé sur le côté. Et que s'ils décident que nous n'avons pas notre place sur les bancs de l'université ou dans l'ensemble de la société. Si ils veulent nous cacher dans des emplois précaires et invisibles. Alors nous saurons quoi faire. Parce que nous aurons appris à nous organiser. Parce que nous saurons nous défendre. Et parce que nous saurons où chercher de l'aide.


Silence. Lilly retombe de son exaltation, lance une dernière phrase, plus timide.


Lilly - Et c'est comme ça, je crois, que nous pourrons inventer un autre monde possible. Merci.


Le public agite les mains, enthousiastes. Quelques cris de joie pourraient se faire entendre. Une personne pourrait claquer des mains et annoncer la fin de l'AG. Les sandwich pourraient arriver. Les acteurs pourraient se rassembler au plateau. Prendre leurs affaires (sac, vestes), se préparer à partir ou à aller fumer des clopes dehors. Grégoire pourrait féliciter Lilly et commencer à échanger avec elle de livres et de théories anarchistes, lui demander quels mouvements elle a déjà suivis (aucun en vérité). May pourrait distribuer les sandwich avec beaucoup d'enthousiasme aux gens du public. Louan pourrait se marrer avec des gars, mettre du son sur une enceinte, s'amuser un peu, ouvrir une bière. C’est un joyeux bazar, des voix qui éclatent, des idées qui jaillissent, c’est le début de quelque chose. C’est un mouvement disparate. Tranquillement, la scène se vide.


Juste après leur départ, l’homme politique reprends la parole depuis le téléphone de quelqu'un dans le public, en protestation directe avec ce mouvement de jeunesse.


L'Homme Politique - J'espère, en tout cas, que notre parole pourra être entendue et que ce sera bien la dernière fois qu'on perturbe le fonctionnement de l'université pour ce type de débat qui n'ont attrait qu'au conseil d'établissement. Je ne suis pas pour la casse du service public! Je ne souhaite au contraire que de le renforcer en ramenant l'université à ce qu'elle devrait être, un espace d'émancipation sociale par l'étude, dédié à l'étude, et je ne peux qu'enjoindre notre ministre de l'intérieur et les préfets de démanteler aussi tôt que possible ces rassemblements dans tout le pays qui...


Louan revient avec une batte de baseball et détruit, (jette, confisque, éteint) le medium (téléphone) par lequel s’exprimait l’homme politique. Il repart.


Deuxième Tableau - Avril

Matérialisme

La jeunesse entre sur le plateau avec du matériel. Il y a des matelas mousse, des meubles abîmés ou cassés trouvés dans la rue, des grandes tentures, draps, pour des banderoles, de la peinture. Si cela est possible, on pourrait peindre le fond de scène et toute la salle. Il pourrait y avoir, sur les murs, différents textes politicaux-théâtraux qui seraient accrochés (Julian Beck, Milo Rau, Manifeste de Pasolini, Brecht etc…).
Lilly pourrait progressivement ranger les gradins et installer le public sur des chaises, des bancs ou des fauteuils divers. Il faudrait que le public se rapproche de la scène ou puisse se déplacer dessus, lire les textes et participer aux différents groupes de travail.
May ramène de grandes casseroles, marmite, elle sert de la soupe, du risotto, du vin chaud, du punch ou simplement de l’eau dans des gobelets.
Louan essaie de formuler sa pensée, mais cela se passe plutôt dans son corps, il fait des allers retours entre les différents espaces.
Grégoire est assis comme s’il faisait partie du public, il se lève parfois, va voir quelque chose et se rassoit. Il ira ensuite chercher quelque chose hors scène, ne sachant pas comment se rendre utile.
Momo parle à une ou quelques personnes du public, c’est la commission média. Pendant ce temps, les autres.

Momo - ce que j'aimerais faire
c'est un genre de film où je dirais pas grand chose,
moi j'apparaîtrais pas,
mais on prendrais beaucoup d'images
pour pouvoir poser des questions.
J'ai vu un spectacle de danse, une fois.
J'en ai vu un.
Je l'ai vu.
Je l'ai vu et depuis je pense plus qu'à ça.
Je regarde les gens dans la rue.
Je regarde les gens qui marchent.
Je regarde comment ils marchent.
Et comment ils parlent.
J'écoute pas vraiment ce qu'ils disent.
(Je comprends pas toujours ce qu'ils disent.)
Mais je les regarde.
En fait,
J'ai beaucoup regardé les gens.
Les gens qui parlent ensemble.
(et les gens qui se parlent pas)
Et je vois, je crois,
Qu'ils s'influencent.
Dans leur geste.
Dans leur geste de parole.

Lilly - (en train de galérer avec les fauteuils) - Louan?! Tu peux?
Louan - (dans le geste de sa pensée) - Mais attends! Attends!

Il marche et se parle tout seul. Pendant ce temps, les autres.

Louan - Parce que si on suit le parcours habituel c'est sûr on se fera bloquer à République...

May est déçue, elle se sent visiblement seule, cherche du soutien dans le public et dans son action de servir de la nourriture / boisson.

Sur la scène, la jeunesse a installé des cartons et des boîtes pour servir de bibliothèque. Plusieurs personnes ont pris des coussins et des couvertures des canapés, préférant s'asseoir par terre. Un mouvement naturel s'est formé vers différentes commissions : féminisme (débat autour de la notion de non-mixité ?), anti-colonialisme (actualités sur la Palestine, impérialisme russe, etc.), montée du fascisme (Trump, Elon Musk, ingérence européenne), écologie, santé, éducation populaire, culture, anarcho-communisme, ou tout autre sujet. Quelques figurants engagent ces discussions ensemble. Autant que possible, ces discussions ne devraient pas être gênées par le rythme du spectacle et pourraient se poursuivre sur scène, dans le public, en coulisse ou dehors (pause clope) jusqu'au début du quatrième tableau.

Louan (à tous, sans considération pour les autres discussions) - Je sais ! Voilà ! Je sais ce qu'on va faire ! (il monte sur un objet en hauteur) Les keufs vont nous bloquer à République, c'est sûr, et on pourra pas atteindre le centre-ville. En soi, on pourrait s'en foutre, y a jamais aucune manif qui va jusqu'à la mairie ou la place St-Anne, mais ça serait quand même énorme ! (mouvement) En termes d'impact médiatique et tout. Ce que je propose, c'est qu'on fasse des grands serpents, comme ça (mouvement), et qu'on forme des lignes qui zigzaguent jusqu'à la ligne de CRS. Et genre (mouvement), quand on arrive devant eux, on fait des grosses chaînes avec nos coudes (mouvement) et on bloque ! Après, s'ils veulent avancer, on peut se soutenir comme ça, les uns les autres, et ZIOUP (mouvement), il y a une ligne derrière qui passe DESSOUS la ligne de CRS, genre (mouvement) comme ça ! Ou par les côtés, tu vois, si on fait une grosse masse (mouvement) qui leur RENTRE dedans, c'est sûr qu'il y aura des ouvertures sur les côtés ! (il s'excite) Et LÀ, ce qui serait GÉNIAL, c'est qu'on fasse un genre de drapeau et qu'on le hisse ! (mouvement) Jusqu'au DESSUS de la mairie ! Et là, on aurait tout gagné, quoi, on pourrait tous (mouvement) danser avec nos masques, les gens prendraient plein de photos, et c'est sûr qu'on se ferait entendre comme ça !

Lilly (lâche sa mission pour une petite minute, visiblement excédée, potentiellement gênée par l'espace autour, le bruit et les mouvements des personnes) - Et s'ils ont du gaz ? C'est le bordel, là. Tu veux pas plutôt m'aider à installer l'espace ?

Louan - Mais c'est pas grave, le gaz ! On a (mouvement) des masques de plongée, des gants, on peut en trouver d'autres, ou alors on tient la distance et on envoie une seule équipe, peut-être sans masques, genre qui se promènent normal, on passe derrière eux et hop, le drapeau ! Faut que ça ait de l'éclat, ça aura l'air vachement plus menaçant si on fait des figures et qu'on a tous l'air (mouvement) ensemble, quoi !

Lilly - Mais tu vas mettre quoi même comme drapeau ? On a dit qu'on avait même pas de noms ! (retourne s'acharner sur ses fauteuils/gradins, fait une pause, le regarde) T'es con ou quoi ?

May - C'est une super idée, je trouve ! C'est créatif ! Pour le moment, toutes les idées sont bonnes à prendre, non ? (Temps. À Lilly :) Et pour le drapeau, on pourrait juste écrire 36 mars ?

Lilly (réagit désagréablement et l'ignore).

Grégoire revient avec de la bouffe : légumes, cookies du CROUS. Il les pose quelque part sur le plateau, regarde un des cookies, puis Lilly qui galère toute seule. Il demande à la cantonade :

Grégoire - ... Et du coup, ça avance pour la marche de cet aprem ?

Lilly - On attend l'AG de ce soir pour s'organiser. Les gens ont l'air plus chauds de la faire demain.

Grégoire - Mais l'appel national était pour aujourd'hui !

Lilly - Oui, mais on s'installe à peine, et les gens préfèrent se concentrer sur les groupes de paroles et l'organisation matérielle de l'occupation d'abord.

Grégoire - Mais demain, ça correspond à rien du tout. Y a pas d'appels à manifester demain.

Lilly - Oui, mais c'est là que les gens sont dispos.

Grégoire - Quels gens ?

Lilly - Les gens ici !

Grégoire (prend le centre du plateau) - Non mais attendez, on sera beaucoup plus forts en suivant l'appel national. Cet aprem, il y a des manifs dans toute la France. Le ministre a pris la parole hier et tout s'est organisé en fonction du calendrier parlementaire. On peut pas / décider tout seul de décaler la manifestation.

Louan - T'entends quand on te parle ? C'est l'AG qui décide !

Grégoire (se tourne vers lui) - Mais le prochain appel à manifester est dans une semaine !

Louan (exagérément) - ET ALORS ??? (rire) On s'en fout complètement de l'appel national, ils sont pas avec nous ! C'est qui même ? (caricature Grégoire, insiste sur chaque syllabe) Le calendrier parlementaire... Le calendrier parlementaire ! (rire) Mais qu'est-ce qu'on s'en fout ! Tu crois qu'ils nous consultent, eux, pour faire leurs trucs ? Ah mais pardon, oui ! Les règles, les règles, les règles... (caricature un soldat ou un matheux).

Louan s'amuse tout seul. Temps. Si les gens rient, il peut carrément se lancer dans un spectacle de mime. Grégoire le regarde, bouillonne, reste silencieux, gestes d'énervement.

Grégoire (explose) - Faites comme vous voulez ! C'est bon, moi je me casse. (s'adresse à Louan et Lilly) Toujours à donner des leçons quand vous êtes même pas foutus de vous écouter ! Ah bah putain, il est beau votre mouvement ! Une belle bande de connards assis par terre, l'autre là à jouer au con pendant que tu regardes ta pote galérer. Non franchement, bravo ! Vous savez même pas vous organiser ! Bon courage ! Bon courage pour faire changer quoi que ce soit en restant tout seuls dans votre coin !

Lilly - Eh ! Je t'ai rien demandé ! Aide-moi si tu veux te rendre utile plutôt que de jeter la faute sur les autres !

Grégoire, furieux, fait un geste et sort. Sur le chemin, il repasse devant les cookies du CROUS, en prend un sur la pile, le met dans sa poche et sort du plateau.

Lilly - Connard va.

May - On pourrait peut-être aller le voir ? Louan, excuse-moi, mais je te trouve dur avec lui. C'est lui qui nous a rassemblés à la base ! C'est normal qu'il ne se sente plus écouté. (temps, à Lilly) Il voulait juste t'aider !

Lilly - Non, il voulait encore nous imposer ses trucs, et s'il voulait aider, il l'aurait fait, c'est tout.

May - Mais il a ramené les caisses, il est allé les chercher tout seul! Et on dirait qu'à chaque fois qu'il prend la parole vous vous moquez de lui. Lilly - Nous? Eh, je suis pas responsable de ce que fait Louan dans son coin. Et on a autre chose à foutre que de gérer les petits égos de tout le monde. (Temps. Elle se rapproche de May) Écoute, c'est un grand garçon, si il veut prendre la parole à l'AG de ce soir personne le lui interdit. May - Mais on a à peine commencé à nous rassembler qu'on est déjà en train de créer des tensions! Comment est-ce qu'on peut prétendre à faire un mouvement social d'ampleur et que des gens nous écoutent si nous ne pouvons même pas nous écouter entre nous? Et vous êtes dans le même lycée! Tu penses pas qu'on devrait faire un peu attention à nous et à ce qu'on se dit pour pouvoir faire groupe? J'ai pris la parole hier à l'AG et c'était super difficile on a pas tous les mêmes aptitudes à... Lilly - Eh, c'est la première fois pour moi aussi. On a jamais dit que ce serait facile. Les gens s'organisent là, ils essaient de faire des trucs concrets. Des actions. Les gens s'écoutent. Et Grégoire c'est pas mon pote, je suis pas sûre que ce soit le tien non plus d'ailleurs. On est pas là pour jouer les bisounours et je suis pas là pour me faire des amis. Je m'en tape pas mal des états d'âme de Grégoire ou les petites blessures d'ego de tout le monde. Il y a beaucoup de choses à faire et je te jure que si on commence à s'attarder là-dessus maintenant on va pas s'en sortir. D'accord? May - Mais c'est de ce temps-là dont on a besoin! Silence, May semble s'en vouloir d'avoir élevé la voix. Momo commence à la filmer. Pendant sa prise de parole, l'image dérive sur des visages, des personnes joyeuses qui discutent, une sortie de cinéma vide, des personnes seules, des papiers qui s'envolent, une femme qui marche et qui s'arrête pour écouter, au loin, ce qu'il se passe sur la place. May - Je sais que ce n'est pas facile. Je suis désolée si je t'ai blessée. J'aimerais juste... Qu'on puisse faire en sorte de ne laisser personne en dehors. Que toute personne ici qui arrive, quelle que soit sa vie, quels que soient ses problèmes, et même si elle s'exprime mal, même si ça prend longtemps ou si au fond, elle cherche quelque chose d'autre dans ce mouvement, j'aimerais qu'il ou elle puisse le dire. On a tous des problèmes, oui, on est tous-te-s anxieux-se-s, tous-tes, on ne sait pas comment on va faire, ni ici ni ailleurs, ni aujourd'hui ni demain. Moi j'ai peur. Je ne suis pas toute seule. Je pense qu'on est beaucoup à avoir peur. C'est difficile de se rencontrer. C'est difficile de se parler. Ça demande des efforts. C'est plus facile de suivre un groupe, une énergie, et de se taire au final. De ne rien dire. Tu as dit que c'est dans le collectif que nous trouverons nos solutions. Que c'est ça, la lutte, longue, que nous devrions construire. Et moi, je me demande, qui est-ce que, sans le vouloir, si nous ne pouvons pas entendre leurs blessures profondes, qui est-ce que nous excluons de ce collectif? La caméra est à nouveau sur May, dans son silence après cette prise de parole. Elle regarde Lilly. Louan s'invite dans le champ. Progressivement, pendant sa prise de parole, c'est sur lui que la caméra va se concentrer. Il y a quelque chose de surréaliste et de chorégraphique dans sa façon de s’exprimer, quelque chose de libéré mais d’individuel. Nos personnages sont encore seuls, pour le moment, il n’y a pas de corps collectif. Louan - Si on veut inclure tout le monde, alors il faut qu'on fasse des actions d'ampleur. Il faut que les gens nous voient, que ça passe à la télé, à la radio, qu'on ne parle plus que de ça! Ça ne sert à rien de nous embrouiller maintenant! On a toute la vie, le lycée et toute la ville, pour nous embrouiller! On aime trop ça se faire chier les uns et les autres. Mais c'est à eux qu'on doit s'adresser! Les PUISSANTS, les politicards, qui sont là tranquille dans leurs bureaux et qui décident de supprimer la fac et le chômage et la retraite et tout ce qu'il nous reste pour nous faire rentrer dans leurs lignes et qu'on se divise comme ça à qui parle le plus et qui s'écoute pas et qui m'a pris mon sousou à moi! On va se battre! C'est comme ça qu'on résoudra nos conflits. On va se battre et notre groupe on le trouvera là-bas, dans la rue et dans la lutte! Les corps contre les corps, nous tous contre les FORCES DE L'ORDRE! CAMARADES! On a notre force à nous, notre puissance, on va leur faire peur, on va occuper des tas de places dans toute la France et tous les lycées et toutes les universités et personne ne pourra plus nous arrêter et les gens après ils se diront que c'est grâce à nous et grâce à ce groupe qu'on a pu obtenir des choses et garder les droits que nos anciens se sont battus pour avoir! C'est par la lutte qu'on est ensemble, et pas seulement nous, mais aussi tous ceux avant nous, c'est avec les morts qu'on se bat, comme une armée de zombie, et on leur rentrera dedans et personne, nulle part, ne pourra pas se sentir concerné par ce qui se passe ICI avec NOUS! May se sent incomprise, c’est un abandon et un espoir qui s’éteint chez elle. Une réalisation soudaine de son individualité et de sa singularité. La caméra s’éteint.

Troisième Tableau - Mai

Rêve du Grand Soir

Description du troisième tableau.

Quatrième Tableau - Juin

Répression

Description du quatrième tableau.

Cinquième Tableau - Juillet

Solitude

Description du cinquième tableau.